Comment l’aviation s’est imposée comme fer de lance d’un management novateur
Le 13 février dernier, Ismat Group a accueilli dans ses locaux Monsieur Gogniat, un orateur au parcours atypique venu bousculer les codes établis du management en entreprise à travers son expérience passée de pilote de ligne. Devant 35 participants, il a parcouru durant près de 1h30 l’un des maillons clé au cœur des process de travail de ce secteur d’activité : la Culture des Erreurs, ou « Just Culture ».
Retour sur cet événement avec un résumé des points clés.
Comme le rappelle Vincent Blanc, CEO Ismat Group en préambule : « Les entreprises évoquent parfois le « droit à l’erreur » dans leur Charte mais les managers nous avouent que les erreurs ne sont tolérées qu’une fois seulement ! ». Depuis de nombreuses années, Ismat Group travaille à la mise en place d’un management qui crée un climat de confiance en incitant les collaborateurs à analyser leurs erreurs, tout comme celles des autres, dans l’objectif d’en comprendre l’origine et développer de la valeur, d’augmenter la sécurité de tous et l’amélioration continue, sans craindre les blâmes, les procédures judiciaires, pour soi ou un tiers dont on a rendu les erreurs visibles.
L’exemple concert d’un atterrissage périlleux agira comme fil rouge de sa conférence. En 2017, Air Canada arrive en finale avec l’autorisation reçue de la Tour d’atterrir en piste 28. Sur le point de se poser, un employé crie dans sa radio que l’avion s’est aligné sur la taxiway où 5 longs courriers attendent de décoller. Immédiatement, la Tour annonce au pilote le « go around » : remettre les gaz et repartir. Le pilote se justifie-t-il et interroge-t-il la tour ? Ou opte-t-il pour une autre manœuvre, en prenant le risque de produire une 2ème erreur pour éviter la première ? Rien de tel. Il s’exécute sans discuter : la réaction est immédiate, sans hésitation, grâce à une confiance totale entre pilote et aiguilleurs.
Premier enseignement : ne pas avoir peur de commettre des erreurs libère d’une charge mentale qui annihile toute prise de décision.
Ensuite, place au debriefing, impliquant tous les acteurs concernés, les niveaux hiérarchiques décisionnels, mais pas seulement. Et c’est là que la culture des erreurs bouscule encore plus les codes : l’erreur est non seulement discutée à l’interne, mais également montrée publiquement. Dans le cas des compagnies aériennes, non seulement on communique sur l’erreur mais en plus on le partage sur le net, ce qui fait fi des questions d’image et de business. On peut citer ici la médiatisation récente d’un jugement du Tribunal Fédéral déclarant refuser que les erreurs commises par des aiguilleurs du ciel et qui n’ont pas eu de conséquences graves ne soient portées au tribunal, par crainte que de telles erreurs ne soient alors cachées et génèrent une perte d’opportunité pour des correctifs.
L’erreur agit ainsi comme un levier d’enseignement, à l’opposé du schéma classique du « Do/Don’t » et des sanctions liées. Elle stimule l’apprentissage, l’élévation collective vers un mieux grâce à la mise en commun des informations et la naissance du débat.
Deuxième enseignement : Développer une culture du debriefing, puis de l’annonce de l’erreur pour faire évoluer l’entreprise vers un « mieux » selon un système d’amélioration continue, permanente.
Et enfin, comment traiter les parties prenantes de ce scénario de « presque incident » ? Par le blâme, la suspension ou – pire encore – le licenciement ? Là encore, rien de tel. Aucune sanction ne sera attribuée. Car là où l’erreur est honnête, c’est à dire que personne n’a voulu en arriver là, elle est comprise et exempte de jugement. Et ce, même si l’erreur est grave. En lieu et place de se focaliser sur les personnes, ce sont les causes qui sont analysées pour savoir comment on en est arrivé là. C’est la différence entre la culture du blâme et la culture de l’erreur. Si la première laisse la part belle à la sanction, au sentiment d’échec lié, au secret induit par la peur d’avouer l’erreur, la Culture de l’erreur provoque les conséquences opposées : valorisation des personnes, concertation, satisfaction, dialogue. On parle des erreurs, on n’étouffe rien… Et c’est là le troisième enseignement :
Punir revient à courir le risque que les éléments ne soient plus rapportés, avec de potentiels dommages collatéraux, parfois supérieurs à l’erreur de départ, sur l’ensemble des teams/de l’entreprise, comme à l’échelle individuelle.
Alors, la culture de l’erreur, un modèle réellement transposable ? Pour l’orateur, « elle devrait être appliquée dans tous les domaines et en particulier ceux qui nécessitent des actions complexes ou stressantes, comme beaucoup d’informations à gérer dans un temps relativement court ». Dans un monde du travail où tout va toujours plus vite, où les employés deviennent de plus en plus « multi-tasking », où les échéances sont toujours plus rythmées, c’est dire si ce process a de l’avenir devant lui. Reste encore à savoir si les mentalités évolueront de la culture du blâme à la culture de l’erreur et aller, ainsi, encore plus loin, vers un climat de travail serein. Affaire à suivre …