Le conflit fait partie du quotidien. C’est souvent un moteur de développement relationnel, une sorte de stimulant social, une mesure qui permet de rendre les intérêts plus clairs. Il y a conflit lorsque trois conditions sont remplies :
- au moins une des parties constate une menace de ses intérêts, de ses valeurs ou de ses besoins ;
- il y a interdépendance des parties ;
- au moins une des parties constate une attitude intentionnelle ou négligente de l’autre partie[1].
Le conflit peut se définir comme un processus prenant forme lorsqu’une partie perçoit qu’une autre partie compte affecter négativement ce à quoi elle est attachée : objet, personne, situation, territoire[2].
Implications
L’approche interactionniste présente le conflit comme une force positive, un facteur indispensable à l’efficacité d’un groupe. Elle ne postule cependant pas que tous les conflits sont bénéfiques. En effet, elle distingue les conflits fonctionnels, qui par leurs retombées positives, sont constructifs dans le sens où ils contribuent aux objectifs du groupe et améliorent la performance, des conflits dysfonctionnels, qui par leurs conséquences négatives compromettent la réussite du groupe.
Pour distinguer le conflit fonctionnel du conflit dysfonctionnel, il est nécessaire de s’intéresser aux 3 types de conflit[3] :
- Conflit de tâche, portant sur le contenu et les objectifs du travail ;
- Conflit de relation, basé sur les rapports interpersonnels ;
- Conflit de procédé, relatif à la manière avec laquelle le travail est effectué.
En effet, les études montrent que les conflits de relation sont presque systématiquement dysfonctionnels[4] tandis qu’un conflit de tâche, maintenu à un niveau faible à modéré, produira en principe un effet positif sur les performances du groupe en stimulant créativité et innovation, ce qui favorise les échanges d’idées. Ce postulat ne s’applique pas pour les tâches routinières et n’est de surcroît valable que si le groupe s’essaie à atteindre les mêmes objectifs tout en s’accordant un niveau élevé de confiance[5].
Concernant les conflits de procédé, ils doivent être maintenus à un niveau réduit pour être productifs. Si ce n’est pas le cas, il y a alors un risque élevé de voir émerger discussions interminables sur les responsabilités des uns et des autres avec une incertitude sur le rôle de chacun, ce qui a pour effet de ralentir l’exécution des tâches comme de mener à des malentendus[6].
À l’étape 1 du processus, une ou plusieurs des conditions risquent d’affecter négativement ce que l’une des parties tient à préserver.
En 2, l’une des parties perçoit le conflit potentiel qui à ce moment-là n’est pas encore nécessairement personnalisé. Il le deviendra dès lors que le conflit atteindra le niveau du ressenti, c’est-à-dire qu’il contiendra une implication émotionnelle (tension, anxiété, frustration ou hostilité).
À l’étape 3 se présentent les principales intentions en matière de traitement du conflit : compétition, coopération, compromis, esquive et accommodation. Ces intentions peuvent par ailleurs se classer sur un système à deux dimensions : axe coopération (volonté de satisfaire les intérêts de l’autre) versus axe assertivité (volonté de satisfaire ses propres intérêts).
À l’étape 4, les parties tentent de mettre en œuvre leurs intentions et le conflit devient visible. Cette étape regroupe alors les déclarations, les actions et réactions des parties impliquées. Tous les conflits se situent quelque part le long de l’échelle présentée ci-dessus.
Finalement, à l’étape 5, l’interaction des parties en conflit a généré diverses conséquences qui peuvent être fonctionnelles — la performance du groupe s’en trouve alors améliorée — ou dysfonctionnelles.
Gestion du conflit
L’analyse du conflit et de ses différentes dimensions constitue la base pour gérer un conflit, en d’autres termes mettre en œuvre des techniques de résolution et de stimulation dans le but d’optimiser le niveau de conflit désiré. Voici ci-après quelques techniques non exhaustives de gestion de conflit[8].
7 Techniques de résolution de conflit
- Analyse du problème : confrontation des parties en conflit pour identifier le problème. La résolution du conflit passe alors par une discussion franche.
- Fixation d’objectifs supérieurs : instauration d’un objectif commun dont l’atteinte ne sera possible sans la coopération de toutes les parties en conflit.
- Extension des ressources : augmenter la ressource dont la rareté est la base du conflit (argent, espace disponible, opportunité de promotion).
- Lissage : Stratégie visant à minimiser les différences tout en soulignant les intérêts communs des parties.
- Compromis : chaque partie accepte de céder un peu de terrain.
- Décision autoritaire : utilisation de l’autorité formelle du manager pour désamorcer le conflit et transmettre ses attentes.
- Modification structurelle : redéfinition des postes, mutations, mise en place de coordinateurs dans le but de modifier la structure formelle de l’organisation ainsi que les schémas d’interaction des parties en conflit.
3 techniques de stimulation
- Apports extérieurs : intégration au sein du groupe de nouveaux membres dont les valeurs, les attitudes, l’expérience ou le style de management diffèrent des individus déjà en place.
- Restructuration : bouleversement du statut quo en repositionnant les groupes de travail, modifiant les règles et normes, en accroissant l’interdépendance.
- “L’avocat du Diable” : introduction d’une personne dont le rôle sera de contester de façon systématique les positions majoritaires défendues par le groupe.
Conclusion
Un niveau de conflit excessif ou inadéquat risque d’entraver l’efficacité du groupe voire de l’organisation, entraînant comme conséquences : baisse de la satisfaction, augmentation du taux d’absentéisme et de turnover avec in fine une baisse de productivité. Alors que faire en cas de conflit excessif dont la probabilité de se transformer en conflit dysfonctionnel est élevée ? Il n’existe évidemment pas de méthode magique bien que le traitement du conflit devrait, selon la recherche, s’appuyer sur le choix d’une des cinq intentions suivantes en fonction de la situation[9],[10] :
- L’assertivité ou forcing: quand la santé de l’organisation est mise à mal et que l’on est sûr de ce que l’on fait, pour les problèmes majeurs exigeant la mise en place d’une solution impopulaire, en cas d’urgence : lorsqu’une action rapide et décisive est indispensable, enfin, contre les personnes qui tirent avantage d’un comportement conciliant.
- La collaboration : lorsque l’opposition est trop forte pour concilier les deux parties prenantes, lorsque l’on cherche à apprendre en vue d’élaborer une solution intégrant les meilleures idées de chacun, pour confronter respectivement synthétiser les points de vue, finalement pour démêler les sentiments qui ont affecté une relation.
- L’esquive : quand le conflit est insignifiant ou qu’il existe une autre problématique plus sérieuse et plus urgente, quand d’autres personnes peuvent résoudre le conflit de manière plus efficace, si l’on sent que les préoccupations de chacune des parties n’ont aucune chance d’être prises en compte, si une perturbation potentielle peut excéder les bénéfices découlant de la résolution du conflit, quand il est nécessaire de permettre aux personnes de se calmer et de retrouver leur discernement, finalement quand il est plus important de recueillir des informations que de prendre une décision immédiate.
- L’accommodation : pour apprendre, pour montrer qu’on est raisonnable, lorsque l’on se retrouve en tort et que l’on veut laisser une meilleure position s’exprimer, pour minimiser la perte si l’on s’aperçoit que le vent tourne, quand la question importe plus aux autres qu’à soi-même, quand l’entente et la stabilité sont d’une importance particulière, pour permettre aux employés de progresser en tirant les leçons de leurs erreurs, et finalement pour satisfaire l’autre partie et maintenir la coopération.
- Le compromis : lorsque les objectifs sont d’importance mais ne valent pas la peine d’employer une approche plus assertive et potentiellement perturbante, quand les parties impliquées sont de force égale tout en défendant des positions inconciliables, pour régler temporairement un problème complexe, pour trouver une solution rapide dont la nécessité est déclenchée par des contraintes de temps, pour finir, comme dernière option en cas d’échec de la collaboration, respectivement de la compétition/ du forcing.
Bibliographie
De Dreu, C. K., & Weingart, L. R. (2003). Task versus relationship conflict, team performance, and team member satisfaction: a meta-analysis. Journal of applied Psychology, 88(4), 741.
De Dreu, C. K., & West, M. A. (2001). Minority dissent and team innovation: The importance of participation in decision making. Journal of applied Psychology, 86(6), 1191.
Gamero, N., González‐Romá, V., & Peiró, J. M. (2008). The influence of intra‐team conflict on work teams’ affective climate: A longitudinal study. Journal of Occupational and Organizational psychology, 81(1), 47–69.
Jehn, K. A. (1995). A multimethod examination of the benefits and detriments of intragroup conflict. Administrative science quarterly, 256–282.
Robbins, S. P. (1974). Managing organizational conflict: A nontraditional approach. NJ, Prentice-Hall.
Robbins, S. P., Judge, T., & Tran, V. (2015). Comportements organisationnels. Pearson.
SECO : Mobbing : description et aspects légaux.
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Thomas, K. W. (1992). Conflict and conflict management: Reflections and update. Journal of organizational behavior, 13(3), 265–274.
[1] SECO : Mobbing : description et aspects légaux
[2] Thomas, K. W. (1992). Conflict and conflict management: Reflections and update. Journal of organizational behavior, 13(3), 265–274.
[3] Jehn, K. A. (1995). A multimethod examination of the benefits and detriments of intragroup conflict. Administrative science quarterly, 256–282.
[4] Gamero, N., González‐Romá, V., & Peiró, J. M. (2008). The influence of intra‐team conflict on work teams’ affective climate: A longitudinal study. Journal of Occupational and Organizational psychology, 81(1), 47–69.
[5] De Dreu, C. K., & West, M. A. (2001). Minority dissent and team innovation: The importance of participation in decision making. Journal of applied Psychology, 86(6), 1191.
[6] De Dreu, C. K., & Weingart, L. R. (2003). Task versus relationship conflict, team performance, and team member satisfaction: a meta-analysis. Journal of applied Psychology, 88(4), 741.
[7] Adapté de “Robbins, S. P., Judge, T., & Tran, V. (2015). Comportements organisationnels. Pearson”.
[8] Robbins, S. P. (1974). Managing organizational conflict: A nontraditional approach. NJ, Prentice-Hall.
[9] Thomas, K. W. (1977). Toward multi-dimensional values in teaching: The example of conflict behaviors. Academy of management review, 2(3), 484–490.
[10] Robbins, S. P., Judge, T., & Tran, V. (2015). Comportements organisationnels. Pearson.
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