En 2008, soit avant la fusion de la Radio Suisse Romand et de la Télévision Suisse Romande, la RSR décide de mettre en place un programme de Gestion des absences. Ismat, l’un des seuls acteurs à cette époque travaillant sur cette problématique, est alors contacté. La collaboration débute par la mise en place d’un programme de gestion des absences et de formation des cadres. Dès lors, ces modules ont été mis en place à l’ensemble de la structure (entre-temps unifiée), avec des résultats notables extrêmement satisfaisants.
Pour en parler, rencontre avec Steve Bonvin, DRH de la RTS, et Violetta Marx, responsable des formations en management à la RTS.
Revenons tout d’abord sur les premières actions de politique de santé au travail de la RTS. Pouvez-vous nous expliquer sous quel angle et de quelle manière celles-ci ont été mises en place ?
Tout commence en 2008, suite à une enquête de satisfaction réalisée auprès des collaborateurs de la radio (tv et radio étant alors séparées) qui a mis en évidence la préoccupation de ces derniers pour les questions liées à la santé au travail. Nous avons donc décidé de mettre en place des mesures concrètes, en envisageant cette problématique — et les solutions liées — sous l’angle des pratiques. Aux côtés de propositions comme des salles de repos ou des espaces extérieurs visant à améliorer le bien-être des collaborateurs, sont venues se greffer des nouvelles manières de manager, liées notamment à la question du climat de travail. Les absences, en tant qu’indicateur clé du climat de l’entreprise, nous semblaient être une priorité. Nous tenons ici à préciser que notre objectif n’a jamais été assorti d’objectifs quantitatifs, mais d’améliorer le climat social, dans une démarche que nous voulions qualitative.
Comment les collaborateurs ont-ils réagi à la mise en place de ce programme ?
L’acceptation a été plus difficile du côté des postes d’encadrement que des collaborateurs. Ce, non pas sur la tenue dudit programme, mais plutôt sur des questions liées aux responsabilités des uns et des autres, à l’absence d’outil abouti pour suivre les absences (tableau de bord) ou encore à une certaine réserve quant à la nécessité d’annoncer les cas d’absence. Ce fut donc à nous de communiquer de manière la plus claire possible afin de répondre à ces questionnements, et apporter des solutions aux « freins », comme la mise en place d’un tableau de bord opérationnel et facile d’utilisation pour gérer les cas d’absence et leur suivi. Il a fallu également faire évoluer les mentalités en termes de management, notamment au niveau du suivi de l’absence d’un collaborateur, selon des protocoles et process précis (lien téléphonique avec le collaborateur absent, ne plus autoriser les annonces d’absence par SMS, faire un entretien de retour etc.).
Vous évoquez ici certains freins, qu’en est-il des leviers ayant facilité/permis la mise en place du programme ?
Nous voyons deux types de leviers : ceux apportés par le contexte, et ceux émanant de l’interne.
Au niveau contextuel, l’éclairage amené sur la question de l’absentéisme a contribué à crédibiliser encore davantage le programme, tout en nous donnant le sentiment d’avoir agi presque en précurseurs sur la gestion de ce problème. En effet, dès 2010 nous avons monté un groupe de travail sur le thème « Santé et travail à la RTS » rassemblant les Responsables RH et les managers des différentes divisions. Puis nous avons mis en place en 2012 un projet pilote au Département des Opérations avec le module Ismat de formation des cadres. Cela a généré de l’attente au niveau des autres départements suite aux très bons résultats obtenus.
Au niveau interne, l’un des leviers clés fut l’adhésion et l’implication de la Direction dans la mise en place du programme. La communication réalisée fut également un levier très important. De nombreux communiqués ont été adressés aux cadres, aux chefs d’équipe, et aux collaborateurs pour les tenir au courant de l’avancée du programme, ce qui a contribué à les rassurer, et d’une certaine manière, les fédérer. Nous avons dès le début souhaité leur expliquer pourquoi nous mettons en place ce programme, et dans quelle optique nous le faisons. En insistant, comme expliqué plus haut, sur la dimension qualitative donnée au process (plutôt que de fixer des objectifs chiffrés en termes de baisse des taux d’absence) et sur cette idée que « l’absence a un sens, et qu’elle se gère ». Et c’est là le troisième levier, l’implication de ces différents publics, et ce dès le début, dans l’implémentation du programme, puis dans sa poursuite.
Du projet pilote au seul département des opérations en 2012, comment le programme s’est-il ensuite déployé à l’ensemble de la RTS ?
Nous avons d’abord souhaité analyser les résultats du projet pilote (programme des absences et formation de tous les cadres dudit département). Au bout d’une année, le constat était déjà positif, avec une baisse des absences de 13 jours/an à 10 jours/an. La décision a alors été prise de former tout l’encadrement, mais de le faire par étape, en priorisant les opérations en fonction des taux d’absence par département. De mi-2013 à fin 2017, nous avons ainsi formé 200 managers et cadres, et 50 chefs d’équipe seront encore formés en 2018.
Avec quels résultats ?
Nous sommes passés de 11.56% (des collaborateurs ayant 4 cas d’absence ou plus) en 2013, à 4.78% en 2017. Cela représente 223 collaborateurs ayant 4 cas ou plus en 2013, et 92 en 2017.
Le nombre des cas par catégorie d’absences a lui aussi diminué : 2’870 (absences courtes et longues durées) en 2013, contre 1’730 en 2017. Outre les chiffres, nous nous félicitons de la meilleure prise en charge des situations d’absence ainsi que d’une meilleure attention portée à la prévention.
Quels sont pour vous les éléments clés pour la pérennisation de ces très bons résultats ?
Premièrement, il est indispensable de poursuivre les actions de communication entamées en 2008, et qui n’ont jamais cessé depuis. Il faut sans cesse rappeler les raisons d’être du programme, faire un point sur l’historique en mentionnant les résultats obtenus comme indicateurs positifs du chemin parcouru, sans oublier les nombreuses piqures de rappel quant aux mesures managériales liées aux programme et participant à cette culture du management tournée vers la santé et le climat au travail. Dans une structure comme la nôtre, la communication doit être transversale à deux niveaux : entre les départements, et entre les différents échelons hiérarchiques des départements. Toute la ligne doit être mise dans la boucle !
Deuxièmement, les séances de suivi et de supervision sont incontournables, le programme a besoin de cela pour progresser positivement. Il faut faire des états des lieux par départements sur les avancées, faire un retour sur les pratiques, évaluer les freins et leviers, décortiquer les cas de manière concrète, et trouver ensemble des solutions !
Troisièmement, il faut nommer des personnes ressources/chefs de projet qui pourront faire le lien entre tous les départements et porter à bras le corps le programme. Les informations doivent être autant top-down, que bottom-up. Tous les trimestres nous faisons ainsi des reporting à la Direction des résultats obtenus qui intègrent quelques chiffres-clés dans ce domaine.
Quatrièmement, le programme doit continuer à vivre dans le temps et ne pas être interrompu par exemple lors d’un changement dans l’encadrement. Pour cela, il est impératif que tous les nouveaux managers et cadres soient formés, et informés, afin d’avoir le même niveau de compétences que leurs prédécesseurs au niveau des pratiques managériales. Idem en ce qui concerne les RH. Ce suivi est vraiment le gardien de la mise en œuvre.
Enfin, le programme doit être perçu comme un PROJET, plus que comme une simple formation. L’enjeu qualitatif, tout comme la notion de « climat social » sont autant de valeurs qui doivent animer ce projet. C’est de cette manière qu’une culture managériale, avec de nouvelles pratiques, pourra émerger et se diffuser naturellement à l’ensemble de la structure.